dimanche 22 novembre 2009

Le journal de Peter - Sébastien Perez, Martin Maniez

Milan jeunesse, 2009 - 88 p. - dès 6 ans



"La surveillante m'a simplement amené dans cette grande chambre. Elle m'a laissé une couverture, un oreiller et un cahier. Elle m'a conseillé d'y écrire toutes mes pensées, pour aider ma mémoire à revenir.
Elle m'a appelé Peter... mais je pense que ce prénom, elle l'a inventé."




Londres, 1898. Le jeune Peter (qui n'est d'ailleurs pas bien sûr que ce soit là son prénom), atteint d'amnésie, est accueilli à l'Orphelinat Saint James, où la surveillante lui remet un cahier pour noter ses pensées et aider sa mémoire à revenir. Dans ce journal intime illustré, il s'adresse à cette mère inconnue qu'il recherche avec l'aide de ses camarades de chambre, les autres enfants perdus, ces bébés tombés du landau pendant un moment d'inattention et que personne n'est venu réclamer.


Mais cette quête d'une maman idéalisée le conduit droit au désenchantement : sa mère l'a abandonné et son père est un pirate. Cette découverte va le projeter dans l'imaginaire et faire de lui un éternel enfant qui rejette le monde des adultes et refuse tout simplement de grandir. Les règles qu'il édicte sur son île merveilleuse sont issues tout droit des douleurs de son histoire : interdiction de commencer à grandir, de prononcer le mot "maman", de penser à autre chose qu'à s'amuser, d'oublier de croire aux fées, d'amener un adulte sur l'île, de parler avec un pirate...





Voici donc comment le jeune Peter, qui a tout oublié, serait passé d'une sinistre chambre d'orphelinat au pays imaginaire, pour devenir le célèbre Peter Pan, chef des enfants perdus connu de nous tous !

***** Ainsi Peter Pan serait le fils du capitaine crochet ? Pourquoi pas, tout est possible au pays de notre imaginaire. Mais bien plus qu'une sorte de prequelle à l'histoire du célèbre personnage de J. M. Barrie, cet album est une vraie réussite. De très beaux dessins en noir et blanc et en couleur (la couleur semble appartenir plutôt à l'imagination du personnage) qui parsèment les pages et font vraiment journal intime, portés par des animations sous forme de lettres, de photos, de cartes...

En tout cas, ce livre dit tout sur Peter Pan : pourquoi il déteste les pirates, les adultes et les sirènes, pourquoi il joue de la flûte... Et quelque part, il dit aussi que ce que nous vivons lorsque nous sommes enfant fait de nous l'adulte que nous devenons... ou l'enfant que nous restons.


>>>> Le blog de l'auteur, Sébastien Perez, se trouve par ici. On pourra y feuilleter l'album. Celui de l'illustrateur, Martin Maniez, est plutôt par . On y trouvera un très beau port folio.

jeudi 19 novembre 2009

Le festin de Noël - Nathalie Dargent, Magali Le Huche

p'tit Glénat, 2008 - 11 €



"Cette année-là, le loup, le renard et la belette décidèrent
de s'offrir un festin de Noël.
Renard fut chargé de voler la dinde..."




Le loup, le renard et la belette comptent bien faire un copieux festin de Noël et choisissent donc la plus belle dinde de la basse-cour. Mais dame dinde ne l'entend pas de cette oreille, c'est une dure à cuire. Une fois ramenée au terrier, c'est elle qui mène nos trois compères à la baguette : ménage, cuisine (il faut bien l'engraisser, leur explique cette maligne), préparatifs de Noël. Le pire, c'est qu'ils y prennent du plaisir, à l'ordre, au ragout de grenouille et autres couronnes de houx. Entre deux corvées, ils jouent même à la belote, et bientôt, apprécient tellement dame dinde qu'au moment de la cuisiner, ils sont fort embarassés. Elle leur propose donc de l'engraisser encore une année, et de Noël en Noël, continue de rendre heureux les habitants du terrier. Plus rusé qu'un renard, cette dinde !


**** Gros coup de coeur sur cet album paru l'an passé. A Noël, on parle beaucoup du Père Noël, bien sûr, des lutins, des cadeaux, du sapin et patati et patata, mais jamais de la dinde. Il fallait y penser ! Entre trois lourdauds et une gallinacé, ça avait plutôt l'air joué d'avance, les forts, les faibles, toujours la même histoire... Mais préparer un festin de Noël, c'est bien plus subtil que cela. C'est ce qu'apprennent nos trois compères, cela et bien plus. En refermant le livre, on a plus envie de dinde à Noël, mais qu'est-ce qu'on s'est régalé de rire et de bonheur !
Une histoire de Noël un peu décalée et pleine d'humour, et surtout une histoire d'amitié sous les couleurs pastel et le trait fin de Magali Le Huche. A lire aussi de la même illustratrice, issue des Arts décos de Strasbourg, L'homme extraordinairement fort chez Didier Jeunesse.

jeudi 22 octobre 2009

Le vrai-faux portrait officiel du Père Noël - Sylvie Misslin, Ronan Badel

p'tit Glénat, 2009 - Collection Vitamine - 48 p. - 12 € - dès 3 ans

"Tous les vêtements du Père Noël sont rouges. Vrai ou faux ?"


Faux, bien sûr, puisqu'il adore jardiner et qu'au jardin, tout est vert !

Un livre-quizz écrit par les lutins, qui dit toute la vérité sur le Père Noël. On peut vraiment jouer à "vrai-faux" car les réponses sont toujours sur la page suivante.

On pourra découvrir que le Père Noël collectionne, non pas les boules de Noël, mais les cactus, qu'il a une casquette orange, qu'il n'a pas le téléphone, quel dommage, qu'il a un chat qui adore la poésie, qu'il est très mauvais en orthographe, raison pour laquelle il n'a pas écrit ce livre lui-même, qu'il a une fille qui n'a pas du tout envie de devenir Mère Noël, etcetera etcetera...

J'aime beaucoup le chapitre "le Père Noël a beaucoup de livres, vrai ou faux ?", parce qu'en filigrane, dans la réponse, on devine LA question qui est posée sans l'être, la VRAIE, VERITABLE question, la SEULE, L'ESSENTIELLE. Le Père Noël a beaucoup de livres, bien sûr, et dans son immense bibliothèque, tout en-haut, il a toute une étagère pleine d'ouvrages qui lui sont consacrés. Parmi eux, il a surtout un livre qui dit qu'il n'existe pas !!!!! et ça a l'air de bien le fâcher ! Bien sûr qu'il existe, peut-on penser, sinon on ne lirait pas ce beau livre sur lui et ses manies, sinon, il ne pourrait pas lui-même posséder dans sa bibliothèque et lire un livre qui affirme qu'il n'existe pas ! Quel toupet.




La dernière question concerne son éventuelle rencontre avec le lapin de Pâques. Mais ces deux-là, s'ils s'offrent cadeaux et chocolats ne se sont jamais croisés. Alors le Père Noël aimerait bien lire Le vrai-faux portrait officiel du lièvre de Pâques, et nous aussi. J'espère que c'est une invitation pour ce printemps !

****Un très bel album comme on sait en faire chez p'tit Glénat, plein d'humour dans ses textes et ses illustrations. J'aime beaucoup, mais j'avoue une petite préférence pour Le Festin de Noël de Nathalie Dargent, illustrée par la très douée Magali Le Huche, publié en 2008.

mardi 13 octobre 2009

La pomme en albums


C'est l'automne, la saison des pommes. Une pomme, c'est banal, et pourtant, ça évoque un tas de choses : un arbre, Guillaume Tell, New York, Newton, un crumble, Blanche-Neige (en passant, la version Disney, avec son effroyable sorcière et sa terrible pomme rouge, vient de sortir en DVD), un ordinateur, un tableau de Magritte (Ceci n'est pas une pomme), le péché originel... Pour moi, la pomme, c'est surtout ces délicieuses coquillettes à la compote que je trouvais dans mon assiette en rentrant de l'école (qui sont d'ailleurs restées mon plat préféré), un goût d'enfance, quoi. Et c'est aussi le fruit préféré de ma fille cadette.


Alors voici donc la pomme, en quelques albums à croquer...


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Au potager, un vilain ver a pris ses quartiers dans toutes les pommes et n'a payé aucun loyer. Le fameux Inspecteur Lapou, qui n'en est pas à son premier album, le retrouve chez les prunes, qui sont un peu moins tartes, et se débarassent illico de ce gêneur. Revoilà donc notre ver culotté sous le pommier, mais cette fois, notre tombeur est victime de son succès : une pomme sérieusement éprise se jette sur lui. Le voilà neutralisé. L'affaire s'est réglée (toute seule), et l'Inspecteur Lapou peut tranquillement aller prendre un ver(re) !


Un album coloré et malicieux, presque une bande dessinée (ce qui le rend, il me semble, quelque peu difficile pour l'âge prescrit, 3 ans) et truffé de jeux de mots hilarants. Une lecture géniale à double niveau, pour les petits et pour les grands.

**A noter à la fin de l'ouvrage la traditionnelle recette de l'Inspecteur Lapou (présente dans chacune des enquêtes du potager). Cette fois : les pommes au four (la meilleure recette au monde selon lui). **

La pomme amoureuse, Bénédicte Guettier - Gallimard Jeunesse, Collection l'Inspecteur Lapou-Giboulées, 2008 - 28 p. - 7 € - dès 3 ans


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Décidément, Bénédicte aime les pommes !


Rien ne trouble Trognon et Pépin, deux petites pommes insouciantes et effrontées qui ne pensent qu'à s'amuser : ni l'oiseau, ni le ver, ni la menace de se faire cueillir. Mais voilà que le vent se met à souffler et c'est la chute. Pépin se fait écraser, Trognon se transforme en ballon. Fini de rire, il faut grandir, ou plutôt mûrir. Et puis le temps passe, et nos deux pommes pourries deviennent deux beaux petits pommiers remplis de petites pommes qui rigolent. La vie continue. Drôle et charmant.

Trognon et Pépin, Bénédicte Guettier, 1992 - Ecole des Loisirs - 11 € - dès 5 ans (existe en Lutin poche, 5,50 €)


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Un petit régal



La pomme sous toutes ses coutures : la fleur, le fruit, ses différentes variétés, la pomme coupée, le jus de pommes, la pomme pelée, râpée, séchée, la compote, les tartelettes, les délicieux chaussons.

Un livre apétissant pour découvrir la richesse d'un fruit ordinaire. On en a l'eau à la bouche.
J'aime les pommes, Marie Wabbes, 1993 - Ecole des Loisirs, collection Archimède - 32 pages - 10,50 € - dès 3 ans (existe en Lutin poche, 5,50 €)

mardi 6 octobre 2009

Rose - Colas Gutman

Ecole des Loisirs, Collection Neuf, 2009 - 81 p. - 8,50 €


"C'est vrai, je parle comme une nouille."


Rose est en CM2 et a un gros souci : elle a un langage bien à elle et doit sans cesse "dégoménager" (déménager) parce que personne ne la comprend. Pour Rose, les adultes sont des "lampadaires", le chat une "moustache à cul" et les bisous des "ventouses". A la récré, on joue à la "corde à bondir" ou à "va crever en enfer" (marelle). Et c'est ainsi qu'elle se présente dans sa nouvelle école : "Bon levant, je suis neuve, et mon nom d'avant est Rose." Alors forcément, la première chose qu'on lui demande, c'est de quel pays elle vient !


Mais Rose a son héros de livre, Chien pourri, un pauvre chien incompris parce qu'il a des puces, et surtout, elle n'a peur de rien. Pas peur de s'approcher de la grille interdite et de demander à un "demi-lampadaire" (un collégien) si c'est vrai qu'ils "écrabousent les minimums." Résultat : elle est "coeurifiée" (amoureuse) de ce "demi-lampadaire" qu'elle nomme "Thomas ou Hugo" parce que ça lui va bien (mais dont le véritable nom est en réalité Patrick), devient le "steak" (le chef) des CP et crée la "bande des solitaires" avec Momo-Capuche, Hélène Bonjour-Chez-Vous (une connaissance) et Steve Ricoul (qu'elle a soudoyés auparavant). Et les voilà affrontant des demi-lampadaires qui voulaient kidnapper des CP. C'est la "catapulte" (la catastrophe) mais heureusement, "Hugo ou Thomas" (alias Patrick) vient à la rescousse.

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J'ai lu ce petit roman à ma fille, et nous étions hilares du début à la fin. Les fantaisies de langage de Rose sont telles qu'on se croirait presque dans un livre de Claude Ponti. Et pourtant, Rose est loin d'être une "tartinouille" comme elle ne cesse de l'affirmer. Elle n'est pas dupe du jeu des adultes, et elle a beau n'être pas comme tout le monde, elle est intelligente, elle a du caractère et du coeur. Et pour preuve et pour finir, c'est à elle que tout le monde veut ressembler. Alors vive la différence.
A recommander aux "chiens pourris" (sans collier), aux "tartinouilles" (ou ceux qui croient en être), aux "lampadaires" (pour qu'ils arrêtent de s'inquiéter), aux demi-lampadaires (les méchants et les gentils), et à tous les autres pour les jours de pluie, les premiers jours d'école, pour rigoler et pour voir la vie en Rose.




jeudi 10 septembre 2009

Quelque chose en lui de Bartleby - Philippe Delerm

Mercure de France, 2009 - 149 p., 14,50 €

"Je supporte très bien de m'intéresser indéfiniment à un bout de papier peint qui se décolle, une lézarde infime à l'angle du plafond... Je n'en tire pas gloire. Ce blog est pour moi la première façon de confier cette façon d'être."

Arnold Spitzweg, employé de la Poste rue des Saints Pères à Paris, habite le 226 rue Marcadet depuis vingt ans. Depuis vingt ans, son loyer n'a pas augmenté, depuis quarante ans il vit seul, une vie banale, immobile, en spectateur ravi de Paris. Un amour manqué, un Kintzheim lointain, un passé oublié. Arnold Spitzweg s'est mis en mode présent, il regarde, il ne bouge plus, il ne veut rien devenir, à la manière de ce Bartleby, personnage du roman éponyme de Melville, qui répondait sans cesse "I'd prefer not to" (je préférerais pas) à son patron quand celui-ci lui proposait une tâche sortant de son ordinaire.

Lorsque s'ouvre le roman, nous sommes au Comptoir des Saints Pères (jadis fréquenté par Joyce et Hemingway). Voilà qu'un de ses collègues fait l'article à Monsieur Spitzweg sur son patronyme alsacien, une Alsace natale qu'il a, au demeurant, quittée depuis bien longtemps, laissant derrière lui "celle qui pouvait tout changer", mais qui lui a préféré un autre. "Spitzweg" se traduisant par "chemin de crête", le voilà qui déclame : "Vous dominez la situation, Spitzweg. Vous êtes le philosophe qui regarde de haut nos petits destins avec la sagesse du penseur éclairé." C'est là pure ironie, mais l'homme ne croit pas si bien dire.



Il est en effet bien surpris en apprenant que Monsieur Spitzweg, qui entretient pourtant des rapports difficiles avec l'informatique, s'est mis à bloguer. En effet, depuis un mois, il livre sur la toile ses réflexions et ses comptemplations de Paris et de ses gens. Mais voilà que bientôt, son blog, antiaction.com est pris d'assaut par des milliers de lecteurs, on parle de lui sur les ondes, et on lui propose même de publier un livre.

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Les chapitres sont courts, s'apparentant sans doute aux billets que le personnage publie sur son blog, pour former un petit roman délectable, où Philippe Delerm fait l'éloge de l'inaction, de la lenteur, du plaisir trouvé dans l'instant. Je n'ai lu aucun livre de cet écrivain, mais j'ai beaucoup aimé déambuler au gré des mots de ce personnage solitaire et serein, anti-héros à sa manière.